Attention, il est préférable (pour ne pas dire obligatoire) d'avoir déjà vu Cartel avant de lire cette page !
L’idée d’écrire une suite à Cartel (The Counselor) m’est venue durant sa vision au moment de sa sortie. Même si le film, de par son radicalisme narratif, demeure un des meilleurs de Sir Ridley, tel un réflexe pavlovien, je me devais d’écrire une suite racontant la vengeance du "Conseiller". Et mon amour pour l’acteur Michael Fassbender (une des plus belles découvertes récentes que j’ai jamais eu, avec Jessica Chastain et Tom Hiddleston) me fit écrire un authentique polar d’inspiration plus ou moins asiatique ou ou du western italien comme j’ai toujours aimé en écrire.
Le film débute quelques jours ou quelques mois après la fin de Cartel. On y voit notre "maître" totalement détruit par la mort de sa fiancée et par les choix qu’il pensait et devra assumer. Alcoolique, drogué, suicidaire, il refuse les "avances" des petites frappes de Tijuana, mais s’associe à d’autres expatriés qui organisent un coup contre le Cartel (donnant au film un cachet Sorcerer). Quand le film commence, le "maître" est un mélange entre Rutger Hauer au début de Turkish Delight (mal rasé, alcoolique, se morfondant nu sur son lit… allant même jusqu’à, dans mon scénario, se masturber devant le snuff de sa fiancée) et Lucius Vorinus dans les premiers épisodes de la saison 2 de Rome, j’y emprunte même son surnom de "Fils d’Hadès" après qu’il eu causé le suicide de sa femme et la "perte" de ses enfants, mais dans mon scénario, le "maître" s’autoproclame "Fils de Satan". Si dans le scénario et les crédits, l’Avocat est toujours appelé ainsi, de par le titre et les événements passés, il est clair qu’il n’exerce plus et il ne manque pas de rappeler par cette phrase «J’ai été radié du barreau !», tout comme on rappelait à Snake Plissken «On te croyait mort !». Une phrase que le "maître" peut dire aussi pour qu’on le laisse tranquille car à aucun moment, on a la preuve réelle qu’il soit vraiment radié. Mais comme dans l’original et comme avec d’autres personnages (la "Blonde", le "Shérif"…), on ne saura jamais son nom !
Si dans Cartel, Malkina est la grande vainqueur de cette sordide histoire, dans cette suite, elle débute sous de très mauvais auspices. Le cartel ne lui fait absolument pas confiance et elle doit, non seulement continuer inlassablement à faire ses preuves, mais elle doit savoir qui veut la piéger. Elle est seule contre tout le monde. Personne ne veut lui faire confiance (banques, mafieux, religions…) et surtout, à cause de son machiavélisme, elle s’enfoncera dans une chute beaucoup plus brutale que celle subit par le "Conseiller".
Ruth, traumatisée par l’assassinat de son fils dont elle en est la responsable indirecte (ce que lui rappellera violement le "Conseiller"), s’enfoncera elle aussi dans la dépression suicidaire, au point de se laisser fusillée par les gardiens de la prison sous les yeux d’une codétenue amoureuse d’elle (elle voulait en faire son esclave sexuelle) lors d’une "fausse" tentative d’évasion.
Mais le personnage le plus développé par rapport à l’original demeure la "Blonde". Si une fausse scène coupée (en fait, une pub virale) nous montrait la rencontre entre celle-ci et le "Conseiller", la véritable rencontre se fait dans cette séquelle. Une relation purement sexuelle (surtout pour le "Conseiller" qui y voit une sorte de viol consenti alors que la "Blonde" y met infiniment plus de sentiments, jusqu’à lui déclarer son amour à la toute fin) s’installe entre eux. La jeune femme aidera l’Avocat dans sa vengeance contre Malkina. Elle-même ayant des comptes à régler…
Autre personnage développé dans cette suite ; le banquier Michael. Si on ne le voyait qu’à la toute fin du film original. Dans ma suite, il est mêlé à des affaires louches qui cachent des secrets personnels beaucoup plus inavouables (il a des tendances pédophiles et aurait abusé d’un des enfants d’un des patrons du Cartel) et le précipitant lui aussi dans une chute inexorable (il sera battu et violé en prison).
Mais viendra surtout le personnage inédit qu’est l’ex-femme du "Conseiller", Diane, qui essaiera désespérément de récupérer son ex-mari, dont on apprendra que c’est lui qui l’a quitté et a demandé le divorce. Raison pour laquelle celui-ci succombera aux avances de la "Blonde". Elle finira aussi tragiquement que la défunte fiancée de son ex-époux. Mais à la différence près que le "Conseiller" en sera l’unique auteur dans un semi-épilogue déchirant (il la tuera alors qu’elle pensait qu’il revenait vers elle).
Mais outre Diane et quelques membres du Cartel, les autres personnages crées pour cette suite sont les associés du "Conseiller". On a Jon, qui sera un peu comme le petit frère du "Conseiller", puis Oswald, un dealer local qui a aussi un compte à régler avec le Cartel, et on a surtout le "Shérif", sorte d’agent du F.B.I. mélangée à un garde-frontière plus ou moins corrompu, inspirée de Mike dans Breaking Bad, qui leur propose une mission-suicide aux trois associés qu’ils ne pourront pas refuser. Il est, avec le Diamantaire, comme un père de substitution pour le "Conseiller".
Un autre personnage crée pour l’occasion ; David, le futur mari de Diane. Cette dernière étant toujours amoureuse de son ex-mari, David ressent une sorte de tragique (et inutile) rivalité envers le "Conseiller" qui lui sera fatale.
S’il n’y a pas dans cette suite, l’équivalent de la scène mythique de la voiture, il y a des séquences similaires à l’original. Tout d’abord la séquence de l’église où Malkina veut se confesser. Mais dans ma suite, elle essaie toutes les confessions et tel un running-gag, tous la refuse et la dégage sans ménagement. Il faudra un imam (parce que je suis officiellement musulman) pour lui conseiller d’aller voir un sexothérapeute. Ainsi, elle n’aura jamais l’absolution qu’elle réclame inconsciemment («vous êtes une damnée déjà condamnée» lui répondra l’imam).
Puis, l’autre chose reprise de l’original, c’est la séquence mythique du "Borrito" dont fût victime Brad Pitt. Dans ma suite, c’est Michael Fassbender qui est sensé en faire les frais, car par un instinct de survie qu’il ne pensait plus du tout avoir, il coupera lui-même avec une force incroyable (et un puissant sécateur de force) le fil tendu, puis, dans une séquence d’action à la Man on Fire (en plus que l’original lui est dédié, Tony Scott est une authentique référence pour mon scénario, Man on Fire et Revenge en tête), "Fassby" sortira aussitôt un flingue et abattra ses assaillants. Et ainsi, je parlerais aussi de la séquence de la Clé U.S.B., authentique McGuffin de la séquence du "Borrito", où avec laquelle, dans l’original, Malkina assoit son emprise dans le cartel. La scène sera reprise, mais comme avec le "Borrito", la finalité ne sera pas la même. Si dans l’original, l’opération réussissait, dans ma suite, ce sera un radical ratage. Car un rival va activer à distance un virus informatique et ainsi hacker l’ordinateur et les portables de Malkina, la mettant dans une situation impossible.
Il y a aussi le personnage de Tony, ancien client rancunier du "Conseiller". S’il le narguait dans l’original, dans ma suite, Fassbender ne se retient plus et le massacre autant que Ryan Gosling massacrait Jeff Wolfe dans l’ascenseur de Drive.
Il y aura aussi la même conversation téléphonique entre le "Conseiller" et El Jefé. Mais dans ma suite, les rôles seront inversés. C’est le ponte qui vient supplier l’Avocat de le faire sortir d’une situation terrible pour lui et sa famille, et au "Conseiller" de l’envoyer paitre…
Mais il y a aussi certaines scènes et idées reprises dans le scénario et coupées au montage de l’original, mais de manière différente. Tout d’abord la rencontre entre le Conseiller et Ruth après le meurtre du "Frelon Vert". Si dans l’original, l’Avocat s’excuse platement sous les insultes de sa cliente, dans ma suite, il la menace et l’accuse ouvertement d’avoir commandité le meurtre de son propre fils et réclame ses 400$.
Autre détail coupé dans l’original ; la grossesse de Malkina. À la toute fin de Cartel, Malkina confie à son banquier qu’elle attend un enfant de Reiner. Elle affirme que si c’est un garçon, elle l’élèvera, mais qu’elle avortera si jamais c’est une fille. Dans mon scénario, on apprend qu’elle a bien eu un garçon, mais que ce dernier est né polyhandicapé. Refusant, selon elle, de porter un tel fardeau, elle l’a jeté à la poubelle et a aussitôt décidé de se faire stériliser pour vivre plus librement. L’idée, choquante, d’une telle scène (tout ça n’est qu’évoquée par les dialogues) est de nous montrer le premier pas vers la chute de la nouvelle "baronne" du cartel. La force de quelqu’un est, à mes yeux, sa capacité à faire face à certaines choses à-priori insupportables (la perte d’un enfant n’est pas une chose à-priori, mais bien une évidence qu’on espère ne jamais vivre). Et élever un enfant handicapé en est le summum. Et je peux en parler (sans entrer dans les détails) en toute connaissance de cause. Cela peut effectivement choquer, je le conçois, mais pour montrer toute l’ignominie de Malkina et envisager (ou espérer clairement) sa chute, faut passer par ce détail qui fait toute la différence (j’avais initialement envisagé de lui donner un enfant hermaphrodite qu’elle abandonnerait).
Autre détail coupé, mais cette fois-ci, c’est un personnage. Celui de Lee, l’informaticien personnel de Malkina. S’il était (sensé, puisque coupé au montage) partie prenante dans l’opération consistant à récupérer le portable (et la Clé U.S.B.) de Brad Pitt, dans ma suite, il n’agit plus vraiment, fatigué (comme beaucoup) par la mentalité de Malkina. D’ailleurs, cette dernière, enragée par l’échec de l’opération, va éliminer elle-même Lee, estimant qu’elle n’a plus besoin de lui, surtout après qu’il lui ait révélé qu’il ne pouvait rien faire contre le hacking de très haut niveau qu’elle vient de subir, la mettant en très grand danger. Faisant ainsi de Lee l’unique crime commis par Malkina de ses propres mains.
Si j’ai dit qu’il n’y aurait pas l’équivalent de la scène de la voiture, il y aura une séquence relativement grotesque qui mettra Malkina dans le même état que le "Conseiller" à la fin de l’original. Dans un restaurant où elle est sensée avoir ses habitudes, on lui sert un steak qu’elle mange avec plaisir, jusqu’à ce qu’on lui apprenne que c’est du steak de guépard… SES propres guépards ! Je me suis inspiré par la scène des souris dans le remake d’Old Boy de Spike Lee. Une scène qui pourrait aussi se dérouler durant la confrontation finale entre le "Conseiller" et Malkina où avant de l’abattre, l’Avocat abat les guépards et les mange sous les yeux de la jeune "baronne" du Cartel.
En fait, j’ignore encore comment se déroulera la confrontation finale. Soit je fais dans l’efficacité avec le "Conseiller" abattant directement Malkina, soit il lui tire dessus sans la tuer et, comme à la fin du Zulu de Jérôme Salle, la fait mourir au bout d’une longue et pénible marche forcée, comme dans tout bon western italien. Où bien, il l’épargne pour la laisser se faire massacrer par le Cartel… je ne sais pas laquelle choisir !
En fait, ma suite de Cartel serait à l’original ce que French Connection II était au classique de Friedkin et ce que Le Syndicat du Crime II était au premier ; la tentative de donner un semblant de happy-ending après tout le nihilisme de l’original. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Le film est reste très noir. Si le "Conseiller" obtient sa vengeance, il demeurera toujours une coquille vidé de toute humanité. En cela, "Ex-Counselor" est beaucoup plus inspiré par le polar coréen (une des premières fins que j’ai imaginé fût une quasi-reprise de la fin de J’ai Rencontré le Diable, mais étant donné que Shame se termine de façon similaire…). Ainsi, le "Conseiller" réalisera, tel Creasy dans Man on Fire, le "Chef-d’Œuvre" de sa vie avec cette vengeance implacable (mettant en pratique toutes les avertissements de Reiner, Westray et El Jéfé), devenant ainsi tous les criminels qu’il défendait auparavant. Et cela au prix de la vie de la femme qu’il aimait (son souvenir le hante inlassablement, notamment à travers la bague de fiançailles qu’on lui a restitué), comme lui dit implicitement El Jefé à travers le destin du poète espagnol Machado où porté par la perte de son épouse bien-aimé, il signa ses plus beaux poèmes. Le film se terminera comme débuta le film de Ridley Scott ; sur une scène d’amour crue. Mais au lieu du romantisme qui porte le couple Fassbender/Cruz, la relation y est beaucoup plus froide, surtout du côté du "Conseiller" qui, dominé par la "Blonde", dira, comme ultime réplique, «J’ai vraiment envie de dormir» aussi lourd de sens que le «Je suis affamée» exclamé avec un sourire carnassier par Cameron Diaz à la fin de Cartel.
Si cette suite donne l’impression d’être pensée pour des raisons commerciales, c’est tout d’abord oublier que Cartel fût un énorme bide aux États-Unis, et puis, malgré le fait que le "Conseiller" obtient vengeance contre le Cartel et surtout Malkina… cela n’en fait pas un film heureux pour autant. Ce serait même le contraire. J’y vois plus une référence comme La Rage du Tigre de Chang Cheh où le héros est condamné à la survie (pour l’anecdote personnelle, la toute première fois que j’ai vu ce classique, ce fût une VHS René Château qui fit son temps et le tout dernier plan où Li Ching rejoint un David Chiang brisé pour le prendre dans ses bras, la mauvaise qualité de la copie me fit voir un baiser fougueux et cela m’est longtemps resté). Ce qui sera le cas pour le "maître" où, après avoir éliminer divers membres du Cartel, puis Malkina et pour finir, son ex-femme, il devra passer le restant de son temps dans les bras d’une Blonde…
En fait, l’intérêt personnel de cette suite est clairement de faire du "Conseiller" non plus le personnage pathétique du film de Ridley Scott (et du scénario de Cormac McCarthy), mais bel et bien un personnage badass dans la lignée de Django (avec la même fêlure, à savoir la perte de la femme bien-aimée dans des circonstances tragiques et la même autre femme qui lui déclare son amour), du Driver et quelques autres anti-héros.